Les projets financés adossés à ce thème sont principalement l’ANR Homes (porteur), deux missions du MEAE (Russie en cours et Moldavie récemment achevée), le projet NéoDyn (MSH puis UP1) et plusieurs PCR régionaux (DRAC). Notre participation au Labex Dynamite, prolongé par l’ANR (2020-2024), au GDR BioArchéoDat ou au projet ANR Monumen viennent enrichir ce thème, ainsi que divers projets en Italie (Pietragalla, IRP soumis) et en Grèce (Lands of meaning).
1. Formes d’occupation, architectures et urbanisme
Sujet émergent depuis quelques années, l’organisation de l’espace anthropisé est pensée dans la longue durée, depuis les premières implantations sédentaires jusqu’à l’émergence du phénomène urbain. Les matériaux de construction et les techniques architecturales sont étudiés et testés à l’aide d’expérimentations grandeur nature. L’étude des artefacts mobilier et immobilier en terre (petit mobilier, sole, four, paroi, etc.) est développée et plusieurs méthodes de caractérisation des éléments de construction, comme la tomodensitométrie, sont testées (collaboration avec l’entreprise Image).
La structuration interne des différentes formes d’espaces habités est plus spécifiquement abordée par une approche géoarchéologique des sols et des aménagements, et par une analyse de l’organisation spatiale des aires d’activité, de la distribution des vestiges et des structures (foyers, stockage, etc.). Mais au-delà de l’habitat, ce sont bien les différentes formes et stratégies d’occupation anthropique qui sont caractérisées : sites d’exploitation saisonniers et/ou spécialisés (par ex. miniers, PCR Néo moyen de Normandie, en préparation), sites adaptés à des milieux contraints (par ex. sites lacustres, projets IRP et mission MEAE en Russie), sites à vocation de rassemblement collectif et/ou cérémoniel souvent accompagnés d’une certaine monumentalité (par ex. enceintes). À travers le chantier-école de Pietragalla, nous envisagerons également la question des enceintes lucaniennes (Italie du Sud), longtemps considérées comme des lieux de refuge pour les populations environnantes, mais que nos travaux mettent aujourd’hui en évidence comme des espaces habités en voie d’urbanisation, avec leur structuration interne et un accès aux ressources vitales.
Les processus de densification de l’habitat et de concentration des différentes formes de pouvoir économique et politique sont également appréhendés, des mégasites de Moldavie (mission MEAE achevée en 2019) jusqu’à l’émergence du phénomène urbain. Le potentiel de sites offert par l’archéologie préventive très présente au sein de l’unité et les données de terrain déjà acquises et ordonnées (bases de données) offrent en effet une remarquable opportunité de lier formes d’occupation de l’espace et organisations socio-politiques.
2. Territoires et peuplement
L’espace est aujourd’hui un angle d’approche majeur pour saisir l’organisation sociale et son évolution. Le développement des SIG et des projets communs (Labex Dynamite) ont permis de mettre en place des outils de traitement puissants. Les différents modèles d’organisation territoriale qui ont émergé ces dernières années sont examinés depuis l’insertion des sites dans leur environnement aux mouvements de population, tant au moment de la colonisation de nouveaux territoires que lors de la pérennisation des occupations.
En complément des approches paléo-environnementales classiques, d’autres indices nous permettent d’approcher les dynamiques paysagères anciennes. La qualité des bois de cervidés représente, par exemple, un bon marqueur de l’évolution du milieu forestier du Mésolithique à l’actuel (GDR Bioarchéodat, atelier DeerwoOOod). Toujours en collaboration avec le MNHN, nous poursuivons la caractérisation des pratiques culturales (irrigation, fumure) et des cycles agricoles en lien avec l’anthropisation du milieu (notamment l’évolution des parcellaires). L’étude de la variabilité des types d’occupation, signalant un degré de sédentarité insoupçonné permet de restituer la mobilité des derniers chasseurs-cueilleurs.
Analyses isotopiques (Strontium) de tombes BVSG de la vallée de la Marne illustrant une probable « surmobilité » féminine, à l’instar de ce qui est observable à la période précédente, le Rubané et la LBK en général (document L. Hachem, T. D. Price avec la coll. de C. Thevenet, ACR Marne)
Les modalités d’implantation et les mécanismes pionniers des premiers paysans d’Europe tempérée sont examinés à la lumière des récentes modélisations (projet ANR Homes par exemple pour le Bassin parisien) mais également des analyses isotopiques pour pister les déplacements des individus, homme ou femme (en collaboration avec l’Université du Wisconsin, USA).
Distribution spatiale des habitats au Néolithique ancien (Rubané/BVSG) dans le bassin de la Seine
La mise en évidence de fronts pionniers, liés aux ressources salifères, parfois très éloignés du centre de peuplement, constitue un nouveau décodage de la société néolithique qu’on envisage plus volontiers principalement tributaire des ressources agronomiques (projet NéoDyn).
Classification des sites néo/énéolithiques (selon leur topographie), des sources salées (selon leurs types, leurs compositions chimiques et leurs usage ethnographiques), des haches en cuivre et l’occupation du sol actuel (classification des images Landsat) en Moldavie roumaine
L’émergence de grands sites centraux (enceintes, méga-sites), les questions liées aux formes de contrôle des ressources naturelles (silex, sel…) et du territoire sont également abordées que ce soit dans le Bassin parisien, sur la façade atlantique (particulièrement ANR Monumen), en Europe nord-occidentale et orientale (Mission MEAE) ou en Méditerranée (projets Lucanie antique en Italie du Sud et Lands of meaning sur le territoire de l’Attique préclassique). Relevant également des tensions territoriales, l’émergence et le développement des sites lacustres sont également interrogés dans leur complémentarité avec les sites terrestres, depuis le Néolithique à l’âge du Fer (ANR Bassin lémanique, en préparation). L’analyse des rythmes de création et d’abandon des occupations a mis en évidence une baisse remarquable des établissements ruraux du second âge du Fer en France septentrionale bien antérieurement à la Conquête, signant probablement un exode rural consécutif au développement du phénomène urbain.
3. Espaces sacrés et symbolismes
Nous pouvons nous appuyer sur un solide socle de connaissances des lieux de culte et des nécropoles élaboré précédemment. Parallèlement à l’étude de la variation des gestes funéraires au sein d’une même culture et de leur évolution à travers le temps, des informations précises sont collectées sur le mode de vie des individus. Ainsi pour le Néolithique ancien, la poursuite de l’analyse de la seule enceinte cérémonielle existant dans le Nord de la France, Menneville (Aisne) par des archéologues, des anthropologues et des isotopistes, sera une nouvelle source de connaissances pour aborder l’identité (locale ou non) des nombreux inhumés et mieux interpréter la gestuelle funéraire associée à ce statut (collaboration avec l’Université du Wisconsin, USA).
Bucrane de taureau accompagnant une sépulture de Menneville (02)
En complément, en s’appuyant sur un corpus de 80 tombes dans le Bassin parisien, les habitudes alimentaires des Néolithiques sont appréhendées à l’aide d’approches biochimiques : contribution des produits de l’élevage parmi les produits de l’agriculture, présence éventuelle de régime alimentaire de chasseurs-cueilleurs parmi la population danubienne, présence/absence du marqueur de la lactase dans la signature génétique des individus (collab. UMR 7269 Lampea-ANR Homes ; suite collab. ANR Ancestra et ERC Neomilk). Parallèlement, sur le littoral Manche – Mer du nord, l’étude des mêmes paramètres portera sur le fossé d’enceinte Néolithique moyen d’Escalles (Pas-de-Calais), où les restes humains, mêlés aux restes de consommation, portent des traces de découpe.
Restitution artistique du site néolithique final intégralement fouillé et analysé d’Houplin-Ancoisne (Pas-de-Calais)
Enfin, dans le cadre du prolongement du projet ANR Ancestra consacré au peuplement de la France, d’une ERC Microscope (Iena, Max Planck Institute) sur le peuplement européen à l’âge du Fer et du programme Geogenetics (Univ. de Copenhague), de nombreux échantillons de squelettes prélevés au sein de plusieurs nécropoles picardes et champenoises datées de La Tène ancienne au début de la finale (475-150 av. J.-C.) permettent de caractériser des populations gauloises (origines, liens de parenté, éventuelle mobilité).
Dans un autre registre que celui de l’anthropologie, les « productions » exclusivement destinées au rituel funéraire de la transition 3e-2e millénaire et les « dépôts » mobiliers céramiques (récipients pouvant faire partie d’un service à boire), le plus souvent déconnectés d’un contexte d’habitat (Fréhel, Lannion, Plouedern), questionnent les pratiques de commensalité à ces périodes. Au Bronze ancien, des accessoires spécifiques réservés plus à la sphère collective qu’individuelle en contexte funéraire ou rituel marquent une rupture avec les usages en cours. Le recours à de nouvelles datations 14C, couplées à l’analyse des résidus est un apport important.
Attichy « le Buissonet » (Oise), sépulture 3 : tombe à char du début du IIIe siècle avant notre ère.