Industries lithiques chalcolithiques de Sultana

Mes recherches portent sur les industries lithiques des sites chalcolithiques de Sultana, à la faveur des nouvelles fouilles menées par C. Lăzăr, comprenant la formation d’un étudiant roumain à la technologie lithique.

Autour du grand tell daté du Gumelnița et fouillé en 1924 (Andrieșescu 1924), se trouvent des sites plats et des cimetières couvrant l’ensemble du Chalcolithique : Boian pour l’étape ancienne et Gumelnița pour l’étape récente. Les sites sont installés dans la grande plaine loessique roumaine, sur la rive droite du Moștistea, affluent du Danube, et aujourd’hui au bord du lac artificiel de Moștistea.

Responsable : Laurence Manolakakis

Mes recherches portent sur les industries lithiques des sites chalcolithiques de Sultana, à la faveur des nouvelles fouilles menées par C. Lăzăr, comprenant la formation d’un étudiant roumain à la technologie lithique.

Autour du grand tell daté du Gumelnița et fouillé en 1924 (Andrieșescu 1924), se trouvent des sites plats et des cimetières couvrant l’ensemble du Chalcolithique : Boian pour l’étape ancienne et Gumelnița pour l’étape récente (Fig. 1). Les sites sont installés dans la grande plaine loessique roumaine, sur la rive droite du Moștistea, affluent du Danube, et aujourd’hui au bord du lac artificiel de Moștistea.

Les sites de Sultana (d’après C. Lazar, comm. pers.)

Je reprends l’étude de tout le mobilier lithique Gumelnița livré par les fouilles anciennes. Les premiers éléments suggèrent que l’essentiel de l’approvisionnement en silex provient des berges du Danube, éloignées d’une vingtaine de kilomètres au sud du site. Il s’agit des silex de Ludogorie de types Ravno et Kriva Reka, récoltés en position secondaire, comme en témoignent les nucléus résiduels. La production locale, domestique, procède par percussion directe tendre, pour une production lamino-lamellaire de petits modules.

En revanche, la présence importante de lames débitées par percussion indirecte, sans qu’aucun nucléus puisse y être associé, semble confirmer l’importation de ces lames depuis l’aire où elles sont produites, à savoir en Bulgarie du Nord-Est. Quelques rares lames, dont aucune entière, ont été débitées par pression au levier ou par pression à la béquille. Egalement sans indices de débitage local, elles sont importées depuis les ateliers spécialisés des environs de Razgrad, en Bulgarie du Nord-Est (Manolakakis 2017).

A l’issue de l’étude complète des quelque 860 pièces, cet assemblage lithique apportera des données importantes sur les débitages domestiques, avec notamment la question d’une production de lamelles, absente des assemblages contemporains de Bulgarie, et celle des quantités de produits importés et de leur rôle dans l’économie lithique. Le site pourra être comparé avec les très rares sites roumains contemporains ayant fait l’objet d’une étude technologique, tels que celui de Pietrele (Gatsov et Nedelcheva 2019).

En outre, je réalise l’étude des pièces lithiques déposées dans les tombes des cimetières Boian et Gumelnița au fur et à mesure des fouilles. La nécropole de Varna, où j’ai pu mettre en évidence cinq classes de richesse liées à des statuts sociaux et économiques différents (entre autres Manolakakis 2005), apparaît particulière ; dans toutes les autres nécropoles connues, même de très grande dimension comme celle de Durankulak, les tombes des élites sont globalement moins riches et ne manifestent pas autant d’affichage ostentatoire de leur statut. Du point de vue lithique, ces nouvelles données permettront d’alimenter la question des pratiques funéraires KGK, d’autant qu’une des nécropoles de Sultana est exactement contemporaine de Varna et l’autre plus récente (Phase A2). En effet, si à Varna les très grandes lames débitées par pression au levier sont clairement liées aux élites, entières et inutilisées, il semble bien que cela ne soit pas le cas dans les autres nécropoles. L’observation des mobiliers lithiques déposés dans les tombes Gumelnița apportera donc un regard complémentaire, de même qu’une profondeur chronologique pourra être appréhendée avec les mobiliers Boian. Ils pourront également être comparés avec les pratiques funéraires Hamangia de Durankulak (Todorova 2002).

Bibliographie 

Andrieșescu, I. 1924. « Les fouilles de Sultana ». Dacia I:51–107.

Gatsov, I., et P. Nedelcheva. 2019. « Pietrele 2: Lithic Industry. Finds from the Upper Occupation Layers ». Archäologie in Eurasien 40:86.

Manolakakis, L. 2017. « So Long Blades… Materiality and Symbolism in the North-Eastern Balkan Copper Age ». P. 265–284 in European Archaeology. Identities and Migrations, édité par L. Manolakakis, N. Schlanger, et A. Coudart. Sidestone Press.

Todorova, H., éd. 2002. Durankulak, Band II. Die Prähistorischen Gräberfelder von Durankulak. Teil 2, Kalatogteil. Deutsches Archäologisches Institut.

Voir aussi dans «Projets en cours»

ANR ARABIANCAIRNS. Une approche intégrée des tombes monumentales protohistoriques dans la péninsule arabique Financé par l’Agence Nationale de la recherche (2022-2026), le projet ARABIANCAIRNS vise à analyser le phénomène mégalithique à large échelle des tombes à cairn, emblématiques de l’Arabie protohistorique (c. 5500-300 avant notre ère). Contribution à la monographie de la Nécropole de Varna Trois volumes bilingues (allemand, anglais) dédiés à la nécropole de Varna, Das Varna Gräberfeld, paraîtront aux éditions Philipp von Zabern, dans la collection du DAI Eurasien Series, sous la direction de V. Slavčev. J’y suis en charge du mobilier lithique, que j’ai intégralement repris après le récent récolement des inventaires funéraires. L’approche pluridisciplinaire croisera les données technologiques et typologiques des pièces lithiques, en lien avec les approvisionnements en matières premières et les types de production, ainsi que l’analyse fonctionnelle réalisée par M. Gurova. L. Manolakakis in V. Slavčev, Dir. (2020, à paraître) IRP NORth (2020-2023) L’Europe de l’est propose un modèle de néolithisation qui tranche dans ses modalités avec celui qui s’est déroulé en occident, tant dans ses composantes que dans sa chronologie. Ainsi, dans la plaine centrale russe, le début du Néolithique, daté entre la deuxième moitié du 7eet le 6emillénaire avant notre ère selon les régions considérées, se définit par la sédentarisation et l’apparition de la technologie céramique. Malgré des contacts ponctuels avec des groupes agro-pastoraux, les populations locales ont maintenu un mode de vie basé sur la chasse, la pêche et la cueillette. Il faut attendre plusieurs millénaires pour qu’une réelle économie de production soit adoptée et se généralise sur le territoire (3eet 2emillénaires avant notre ère). La durée et la découpe du scénario enregistrées dans la plaine russe permettent de suivre l’histoire de communautés en cours de néolithisation d’une manière tout à fait originale.